Trop honnête

Madame Nirina, femme de caractère et mariée à un vazaha resident depuis quinze ans fait ses courses au Jumbo Score. Depuis quelques années, les hypermarchés ont fait leur apparition à Tananarive. Madame Nirina, grâce au travail forcené qu'elle a fourni avec son mari, est devenue quelqu'un de bien installé, avec certains moyens et un réseau de connaissances toujours utiles.
Elle charge donc ses paquets, délaisse le caddie et rentre chez elle. Et là, horreur et putréfaction, elle s'aperçoit qu'elle oublié son portefeuille dans ledit chariot. Cris, lamentations, gros mots. Son mari la tance quelque peu, l'argent pas trop grave, mais tous les papiers à refaire. Passeport, carte d'identité, carte bleue, etc..
Non seulement ça coûte, mais ça demande des démarches pénibles et prend un temps fou. Le lendemain matin, monsieur se lève quand on sonne. Madame est déjà à la porte et scrute un jeune homme malgache de son oeil inquisiteur qui se tient sur le perron. Le jeune homme, pas son oeil !
- Euh, salama tompko, excusez moi de vous déranger, mais j'ai trouvé ce porte-cartes dans un taxi-be, et comme il y a votre adresse je vous l'ai ramené.
Madame Nirina a un haut le corps, elle alpague le jeune au colbac et le soulève quasiment de terre, tout en le faisant entrer dans le vestibule.
- Ah oui, tu l'as trouvé dans un chariot oui plutôt, crie-t-elle en inspectant le contenu de l'objet.
Le pauvre gars est transi de peur et n'ose pas la ramener.
- Ah, j'en étais sûre, il est où l'argent hein, il est où ? hurle-t-elle.
- Mais mais, bêle le jeune homme, je vous jure, je l'ai trouvé dans un taxi-be en rentrant chez moi, je n'ai rien pris.
- C'est ça, tu as pris l'argent et en plus tu me ramènes mes papiers en espérant une récompense, tu es gonflé !!
- Je vais t'emmener au commissariat, tu vas voir ce que tu vas prendre !
Monsieur arrive, alerté par les cris, la pastille au coin des yeux, pas encore désembrumé de sa nuit.
- Mais laisse Nini, tu as récupéré tes papiers, c'est le plus important. Donne lui 10 000 ariary pour le dérangement et c'est bon.
- Ah mais non, c'est un voleur, un voyou, commissariat, éructe madame Nirina.
- T'en sais rien si c'est un voleur, peut-être il l'a vraiment trouvé, et puis on s'en fout. Il était pas obligé de revenir.
Madame se calme, bise son mari qui part au boulot; et sitôt la voiture disparue, elle embarque manu militari le pauvre gus effaré vers le commissariat de Mahamasina qui se trouve à deux pas.
Arrivée, elle demande à voir le commissaire qu'elle connaît forcément bien, tout en invectivant le "voleur" à haute voix au vu et au su de tout le monde. Le commissaire déboule dans le hall, tout sourire, les bras écartés. Madame Nirina se trémousse d'aise d'être ainsi accueillie et reconnue. Mais le commissaire passe devant elle, ne la regarde même pas et étreint chaleureusement le jeune homme.
- C'est gentil de venir me voir mon neveu, et ta thèse de médecine, ça s'est bien passé ?

Retour anecdotes

Graines de bitume, enfants de la rue, Tana

Mokana, orphelinat à Fianarantsoa